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Yvon Bourdet (1920 – 2005)
Yvon Bourdet, né en 1920 à Albussac (Corrèze) et mort à Paris en 2005, est issu d’une famille de paysans pauvres. Ses bons résultats scolaires lui permettent d’entrer au séminaire et de continuer ses études. En 1943, affecté à la préfecture de Tulle, il entre dans un réseau de résistance, les « Jeunes Chrétiens Combattants », dont il est secrétaire départemental. À la fin de la guerre, il quitte le séminaire et « monte » à Paris. Après des études de Lettres, il choisit de se consacrer à la philosophie, discipline dont il devient agrégé en 1955. Il enseigne alors à Amiens puis à Vanves. En parallèle, de 1954 à 1958, il milite au sein du groupe Socialisme ou Barbarie créé par Castoriadis et Lefort, puis de 1960 à 1965, au tout jeune Parti Socialiste Unifié (PSU). À son militantisme s’ajoute sa collaboration à différentes revues tels qu’Arguments, Noir et Rouge ou encore Notes Critiques. Il se positionne alors contre ceux qui veulent dépasser le marxisme à l’instar de la revue Arguments mais aussi contre le stalinisme et l’existentialisme, tout en déplorant l’absence de volonté de rapprochement du marxisme et de l’anarchisme.
En 1960, il commence une thèse de sociologie, sous la direction de Raymond Aron, consacrée à l’austromarxisme. Cette école marxiste autrichienne, dirigée par Otto Bauer, occupe une place spécifique au sein des mouvements révolutionnaires en adoptant une position médiane entre les sociaux-démocrates et les communistes. Ses recherches l’amènent principalement à introduire quatre ouvrages : deux de Max Adler (Démocratie et conseils ouvriers et Démocratie politique et démocratie sociale), une compilation de textes d’Otto Bauer intitulée Otto Bauer et la révolution ainsi que l’ouvrage de Rudolf Hilferding, Le capital financier. À ces ouvrages s’ajoutent le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier international consacré à l’Autriche qu’il codirige avec Félix Kreissler, Georges Haupt et Herbert Steiner. Afin de se consacrer pleinement à ses recherches, il quitte l’enseignement secondaire et est élu au CNRS en 1964.
En 1966, il entre au sein du comité de rédaction de la toute nouvelle revue Autogestion publiée chez Anthropos et créée fin 1965 par Georges Gurvitch, Jean Bancal et Daniel Guérin. Cette revue se propose d’étudier de façon scientifique et militante les problèmes relatifs à l’autogestion dans toutes ses formes. Dès le début, elle réunit plusieurs « tendances » de l’autogestion : des libertaires (Daniel Guérin, Jean Bancal), des marxistes de différents courants (Yvon Bourdet, René Lourau, Michel Raptis, Pierre Naville) ainsi que le courant du « Collège Coopératif » (Henri Desroche, Albert Meister et Joseph Fisera). Très vite, Yvon Bourdet apparaît comme le principal animateur de cette revue (il le restera jusqu’à son sabordage en 1986) et se consacre à l’autogestion. D’ailleurs, lors de sa soutenance de thèse, en 1974, il présente comme un tout ses travaux sur l’austromarxisme et l’autogestion. En parallèle de la revue Autogestion, renommée Autogestion et Socialisme en 1970, il crée, avec Joseph Fisera, le Groupe d’Etude de l’Autogestion (GEA) dans lequel on retrouve deux autres animateurs de la revue Autogestion et Socialisme, Jacqueline Pluet et Olivier Corpet 1. Ce groupe d’étude permet à Yvon Bourdet et Joseph Fisera de mettre en place un séminaire de recherche consacré à l’autogestion qu’ils animent durant 15 ans de 1970 à 1985.
La pensée autogestionnaire d’Yvon Bourdet est une pensée originale qui trouve sa source chez Marx, dans l’austromarxisme et la sociologie du travail. Se plaçant dans une perspective socialiste, il théorise l’autogestion généralisée qui s’applique à l’ensemble de la société. Pour désigner ce « système » autogéré, il utilise le néologisme « autarchie ». À partir de la fin des années 1970, il poursuit sa réflexion autogestionnaire au prisme de la question nationale et plus particulièrement de l’Occitanie. Pour lui, « prendre parti en faveur de l’autodétermination des minorités ethniques est, en même temps, le choix d’une généralisation de l’autogestion » 2. Cette réflexion le mène à s’interroger sur « l’espace de l’autogestion », titre de son dernier livre paru en 1978. Il y théorise la talvera 3 pour défendre « une autre structure sociale et politique qui invalide toute prétention de privilège d’un lieu par rapport aux autres » 4. Mais cette nouvelle réflexion, qui s’oppose à tous nationalisme ou régionalisme, reste malheureusement inachevée. En 1985, année de son départ à la retraite, il se retire de toutes les instances dans lesquels il était engagé.
Tout au long de ses activités militantes et professionnelles, Yvon Bourdet évolue en marge tout en développant une théorie de l’autogestion originale qui ne se cantonne pas seulement aux entreprises mais s’étend à toute la société. Lorsqu’il décède, le 11 mars 2005, seul Olivier Corpet publie une tribune dans Le Monde du 17 mars 2005. Cependant, son œuvre continue de vivre par le biais de l’Institut Mémoires de l’Editions Contemporaine (IMEC) qui accueille ses archives et les rend accessibles aux chercheurs 5.
Bibliographie sélective :
Communisme et marxisme. Notes critiques de sociologie politique, Paris, Editions Michel Brient, 1963.
La Délivrance de Prométhée. Pour une théorie politique de l’autogestion, Paris, Anthropos, 1970.
Pour l’autogestion, Paris, Anthropos, 1974.
Eloge du patois, ou l’itinéraire d’un occitan, Paris, Editions Galilée, 1977.
L’Espace de l’autogestion, Paris, Editions Galilée, 1978.