LIP : un autre 18 juin. Bon anniversaire !
Le 12 juin 1973, se réunit dans l’usine horologère Lip, à Besançon, un comité d’entreprise extraordinaire qui s’avère mouvementé. Dans la serviette de l’un des dirigeants, les ouvriers découvrent que la décision de « dégager » (traduisons: licencier) 480 salariés est déjà prise. Un administrateur de la société est sequestré une nuit, et le site de Palente est occupé. Les 600 salariés décident de mettre à l’abri un « trésor de guerre », constitué en gage avec un stock de 25 000 montres… caché au presbytère. Le 15 juin, une manifestation rassemble plus de 10000 personnes dans les rues de Besançon. Le 18 juin, une assemblée générale décide la remise en route de la production, sous contrôle des travailleurs, pour assurer « un salaire de survie » et populariser la lutte. Cette action directe des travailleurs, défiant la légalité du droit de propriété, connaît un rétentissement immédiat. Des centaines de « comités Lip » se mettent dès lors en place en France, vendent les montres et mobilisent en solidarité. La lutte fonctionne avec des assemblées générales, des commissions, une intersyndicale, un comité d’action. Il convient de souligner que les équipes militantes ont connu l’expérience de mai et juin 1968, et héritent de solides expériences syndicales. A l’automne 1972, lors de la « Conférence nationale ouvrière » organisée par Lutte ouvrière, le PSU et l’Alliance marxiste révolutionnaire, alors qu’une discussion sur l’autogestion avait été inscrite à l’ordre du jour, plusieurs militants du PSU et de la CFDT de Lip (dont Charles Piaget) étaient présents et avaient pu prendre connaissance de l’expérience de contrôle ouvrier des chantiers anglais de la Clyde. « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie », résume bien la situation, à la fois réponse aux besoins immédiats de la lutte (avoir le moyen de tenir un long moment dans la grève) et symbole de la capacité des travailleurs à conduire leurs affaires et donc la société.
L’exemple de Lip est suivi par d’autres luttes, par exemple les grévistes chemisières de Cérisay fabriquent des chemises « Pil ». La jonction avec d’autres luttes s’établit, comme avec celle du Larzac (marche de 1973).
A suivre…