Enquête « Qualité des relations sociales dans les SCOP » de Rhône-Alpes 2/2
Nous poursuivons dans cet article notre fiche de lecture du rapport sur les SCOP de la région Rhône-Alpes publié en 2013 par une équipe d’universitaires de Grenoble et Lyon (H.Charmettant, J.-Y.Juban, N.Magne, Y.Renou, G.Vallet). Dans ce second volet, nous résumons très rapidement les chapitre V et suivants qui traitent notamment de la diversité des 40 SCOP ayant répondu à l’enquête.
Diversité des SCOP (origines, personnel,rémunération,sociétariat)
Les SCOP étudiées se différencient tout d’abord par leur statuts juridiques, SA ou SARL, ainsi que sur leurs deux variantes possibles : SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), CAE (coopérative d’activité et d’emploi).
Elles peuvent avoir des histoires variées : reprise d’entreprise existante, transformation d’une association ou d’une entreprise en SCOP, création (45%), « essaimage » forcé ou choisi (un groupe d’employés quitte une même entreprise et crée la SCOP).
Le personnel a un âge moyen similaire à la moyenne des salariés français (39 ans), et comprend une proportion de femmes proches de la moyenne nationale (44%). Mais les qualifications représentées diffèrent des proportions des entreprises prises dans leur ensemble : les cadres sont sur-représentés, ce qui semble découler de la forte présence des entreprises de services dans le groupe de 40 SCOP.
L’écart des rémunérations est caractérisé par le ratio du salaire le plus élevé sur le salaire le moins élevé. Ce ratio se situe entre 1.3 et 3.4, avec une moyenne proche de 2. Ce ratio est plus faible dans les petites SCOP, et dans les SCOP les plus jeunes. Il est plus élevé dans les SCOP plus anciennes, et dans celles du secteur industriel.
Le taux de sociétariat est élevé dans cet échantillon: 79% contre une estimation à 60% en moyenne pour les SCOP françaises. Les SCOP de l’industrie et les SCOP plus anciennes ont un taux de sociétariat plus faible, à l’inverse des SCOP plus jeunes ou du secteur des services.
La répartition des bénéfices (rémunération du capital, à distinguer des salaires) semble relativement homogène pour l’ensemble des SCOP étudiées, avec des fluctuations: en gros 45% pour les réserves, 37% pour les salariés, et 16% de dividendes.
Diversité des réponses aux questionnaires
Les données factuelles ci-dessus sont obtenues suite à un entretien avec un dirigeant, ou via des sources indépendantes. Les enquêteurs ont également fait remplir un questionnaire aux salariés et sociétaires.
Les questions portent sur l’information et la participation aux décisions, le sentiment des salariés sur leur travail, le sentiment des salariés sur le statut coopératif et les relations sociales.
Les enquêteurs recherchent une relation de cause à effet:
- les caractéristiques ci-dessus, mesurées par le questionnaire, sont considérées comme des effets.
- les causes sont des caractéristiques des individus (ancienneté, poste, diplôme, sociétaire, sexe) ou des SCOP elles-mêmes (secteur d’activité, taille,ancienneté de la SCOP, taux de sociétariat, origine)
(pour mettre au jour cette relation, les auteurs s’appuient sur une méthode classique en sciences sociales, qui repose entre autre sur la régression, c’est-à-dire la recherche de la fonction y=f(x), où est l’ensemble des effets, et x l’ensemble des causes).
Ils dressent alors un constat intéressant: un petit groupe de variables telles que le fait pour un individu d’être sociétaire, le taux de sociétariat au niveau de l’entreprise et la taille de la SCOP, ont des effets importants à de nombreux niveaux. Plus précisément, les enquêteurs montrent que:
- le fait d’être sociétaire à titre individuel augmente la probabilité d’être bien informé.
- un sociétariat élevé influe positivement sur la probabilité d’être mieux informé, mais pas nécessairement sur celle d’être associé aux décisions.
- plus la SCOP est grande, moins les salariés et sociétaires semblent satisfaits notamment sur l’information et l’association aux décisions, sauf pour ce qui concerne la rémunération et les possibilités de promotion.
Dans la dernière partie du rapport, les enquêteurs empruntent des outils théoriques pour construire un cadre d’analyse des SCOP, en mobilisant entre autres le concept de « biens communs ». L’entreprise est vue comme un « projet porté par un collectif », analysable selon trois dimensions : le statut citoyen (vigueur de la vie démocratique), activité créatrice (autonomie dans le travail) et rapport salarial(subordination, droit du travail).
Une des originalités des SCOP serait qu’elles constituent un « projet mixte », à la fois « projet économique » (création de valeurs économiques), et « projet socio-politique » (création de valeurs utiles socialement).